Des producteurs maîtres de leur destin

Publié le par Romain Ferretti

Tout a commencé par une visite chez les directeurs des communautés de producteurs de Palca (province de Tarma) en janvier 2006. Celso n’était pas là, mais il est rapidement prévenu qu’une ONG a prévu d’aider les producteurs locaux à augmenter leur production de papas à travers la mise en place d’une serre et de formations techniques. Les semences améliorées offriraient un gain non seulement quantitatif mais aussi et surtout qualitatif. Il en parle alors à son collègue Modesto, spécialisé dans la production d’œillets et de glaïeuls. Le projet se découvre alors un second axe de travail dans la région, en construisant une serre pour la croissance de plantules de fleurs …

 

S’ils se montrent dès le début très intéressés par le projet, c’est que chacun doit faire face à une concurrence clairement définie qui nuit depuis plusieurs années à leur négoce. Les producteurs de papas de la région de Junín souffrent en effet de l’arrivée sur le marché de la papa de Lima, tandis que leurs collègues producteurs de fleurs ne peuvent vendre dans la capitale car Colombiens et Equatoriens, offrant des choix de couleurs et des quantités toujours plus nombreux, raflent la très grande majorité du marché.

 

L’entreprise est donc séduisante pour les différentes communautés de producteurs dont Celso et Modesto font partie. Cependant, les conditions sont posées dès le début par le Consorcio : il faudra dans un premier lieu se regrouper au sein d’une association de producteurs, et dans un second lieu, apporter une partie des matières premières nécessaires à la construction de ces deux serres.

 

Si cela peut paraître à première vue contraignant pour des personnes déjà pauvres, c’est la méthode choisie par les coordinateurs du projet pour les responsabiliser. Et cette coparticipation financière au projet fait très vite des déçus : en quelques semaines le groupe de producteurs intéressés passe de 60 à 14.

 

Une fois ces garanties apportées, la construction de serres commence avec l’aide de ces mêmes producteurs, bien conscients que l’amélioration de leurs conditions de vie passe aussi par leurs propres volonté et efforts. Le Consorcio fournit ensuite les premières plantules, achetées auprès des laboratoires de l’INIA (1) pour les pommes de terre, et en Hollande pour les fleurs. Mais si l’approvisionnement en semences améliorées (et non modifiées) est une chose, les bichonner en est une autre, que justement les diverses formations auxquelles participent les producteurs veillent à enseigner. Enfin, tous les 20 jours en moyenne, un ingénieur du projet vient contrôler l’évolution du travail des producteurs, afin que les semences une fois arrivées à maturité puissent être plantées dans les meilleures conditions possibles dans les champs voisins jusqu’à leur future récolte. 

 

P5020046.JPGEt les premières conséquences se font vite sentir. Celso découvre des pommes de terre plus rondes, plus grosses, meilleures et « qui ne sont plus déformées » tandis qu’à Lima les fleurs de Modesto, dont le cycle de production est beaucoup plus court, commencent à se faire connaître. Mais d’une manière générale, les deux producteurs sont unanimes pour dire que maintenant ils peuvent planifier et investir, première étape vers le développement autonome de leur activité.

   

Si la production s’améliore, le niveau de vie suit aussi la même dynamique. Modesto peut enfin envoyer ses deux enfants étudier à Lima, tandis que Celso achète du lait, chose difficile auparavant.

   

Mais plus qu’un impact productif et social, le projet aura permis d’unir davantage les agriculteurs. Aujourd’hui, il existe une réelle complémentarité entre les deux cultures, puisque, pour ne fatiguer la terre, les agriculteurs pratiquent la rotation de culture, ce qui se matérialise concrètement par le fait qu’un producteur de papas prête son terrain à un producteur de fleurs et vice-versa. Et quand un producteur a un problème financier, c’est son collègue qui lui prête, « sans intérêts ».

   

Continuer sans le Consorcio ne leur fait pas peur, et les idées ne manquent pas. Entre l’achat par l’association d’un troupeau de 40 moutons qu’ils peuvent revendre en période de vache maigre, ou l’élevage de 5000 cuyes dans les deux nouveaux hangars qu’ils ont construit, les projets ne manquent pas.

   

Maintenant que le projet se termine, Modesto, Celso et les 12 producteurs de papas et fleurs de Palca en sont convaincus : les responsabilités accordées tout au long du projet, les nouveaux contacts qu’ils ont pu nouer auprès des autorités, mais surtout leurs nouvelles compétences productives leurs permettent aujourd’hui de rivaliser avec la concurrence liménienne ou colombienne. Reste à mettre tous ces facteurs positifs au profit de cet objectif. PRODAA, l’entreprise commerciale qu’ils ont créé, en est sûrement un des moyens.

 
Photo : à gauche, Celso; à droite : Modesto.


(1) Instituto Nacional de la Investigación Agraria, équivalent de l’INRA en France.

Publié dans Professionnel

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